Sanctuaire Gokoku de Miyagi, 12 mai 2012 (DR/ Serge Tanka )
Lors d'un passage à Sendai, cette magnifique "Cité des arbres", il m'a été donné à voir de bien curieux drapeaux dans un sanctuaire sur le mont Aoba, surplombant la ville. Le drapeau du haut n'est malheuresement pas rare au Japon. Bien qu'étant le drapeau de l'Armée impériale japonaise, c'est-à-dire le symbole de l'asservissement et du massacre de millions de civils en Asie pendant la Seconde guerre mondiale, il continue d'être arboré en toute légalité. On peut le trouver dans des sanctuaires shintô, dans les manifestation de l'extrême-droite japonaise, et sur les tee-shirts de certains Occidentaux dont la "passion du Japon" semble s'accorder invariablement avec une bêtise crasse.
Le second en dessous est plus rare. Faisons donc un peu de vexillologie, cette discipline passionante qui consiste à étudier les drapeaux. Ce drapeau correspond dans le Code internationale des signaux maritimes, à la lettre Z. Mais il revêt dans ce sanctuaire une signification bien différente. Le 27 mai 1905, alors que le Japon mène l'offensive contre la flotte russe, l'Amiral TÔGÔ Heihachirô fait lever le drapeau Z sur le cuirassé Mikasa. A l'issue de cette bataille, le Japon remporte la guerre contre la Russie et ce drapeau devient un symbole de la force de la marine impériale japonaise. Ce drapeau sera de nouveau hissé en 1941, sur le porte-avion Akagi, duquel s'élançèrent les avions responsables de l'attaque surprise de Pearl Harbor.
Une dizaine de fêlés arborant l'attirail du parfait militant d'extrême droite nippon, 24 avril 2011. Comme on peut le voir, le drapeau Z figure en bonne position
Ce sanctuaire est en fait le Miyagi ken gokoku jinja (宮城県護国神社), c'est-à-dire le "Sanctuaire pour la défense du pays de la préfecture de Miyagi". Chaque préfecture au Japon dispose de son propre gokoku jinja dont le rôle est de rendre hommage aux âmes des soldats morts à la guerre. Ils ont été créés à l'ère Meiji, par une volonté d'instrumentaliser la religion shintô au service de l'impérialisme nippon et de son idéologie nationaliste. Ils ont été renommé gokoko jinja en 1939, à l'époque où le Japon baignait dans un totalitarisme mêlant allégrement fascisme, militarisme et shintô. Ces sanctuaires sont en quelque sorte les petits frêres du Yasukuni jinja.
Il existe donc deux shintô au Japon: celui cher à MIYAZAKI Hayao, des esprits de la forêt, un shintô volontiers pacifiste, et celui plus politique, célébrant l'époque du "Grand Japon" à coups de révisionnisme et que l'on retrouve dans le Yasukuni et dans les sanctuaires gokoku. Car rendre hommage aux soldats morts pour le Japon, criminels de guerre y compris, reste tout de même douteux au regard des guerres d'agressions que mena ce pays partout en Asie. Soyons clément cependant avec le Japon. En France aussi, on continue paraît-il, à rendre hommage à des pauvres gars, morts pour rien dans la grande boucherie humaine de 14-18, lors de grandes fêtes républicaines.