NODA Yoshihiko et Barack Obama lors du sommet de l'Apec 2011
Le sommet de l’Apec (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui s’est déroulé le 12 et 13 novembre 2011 aux Etats-Unis, à Honolulu, aura vu le gouvernement japonais prendre une décision historique, en acceptant de rejoindre les discussions sur le traité de libre-échange TPP (Trans-Pacific Partnership). En effet, après quelques hésitations en raison d’une très forte opposition des paysans, le premier ministre NODA Yoshihiko a annoncé la veille du sommet l’entrée du Japon dans ce traité. Cela va avoir des conséquences sur l’économie de l’archipel mais aussi sur la politique interne.
Bilan du sommet de l’Apec
L’infomation avait bruité dans les médias depuis plusieurs semaines. Le premier ministre avait décidé d’annoncer la participation du TPP le jeudi 11 novembre, puis repoussé au vendredi en raison de négociations internes au Parti démocrate japonais (PDJ) sur les conditions de cette participation.
Un compromis semble finalement avoir été trouvé avec la création d’un parfait oxymore : le premier ministre en annonçant la participation du Japon aux TPP, qui signifie la fin de tout protectionnisme, a également promis que les intérêts nationaux seront préservés. Difficile d’imaginer pourtant comment l’agriculture japonaise pourra faire face à l’afflux de produits agricoles à bas coûts des Etats-Unis ou de l’Australie. Ni comment le système de sécurité social survivra aux obligations de libéralisation des services publics que ce traité va engendrer. Le président des Etats-Unis Barack Obama, qui voit dans l'Asie un nouveau marché pour l'exportation, a félicité le Japon pour cette décision qualifiée d’ « historique ».
Il n’est pas peu de dire que cette décision est plutôt mal reçue par une population peu encline à entrer dans une zone de libre-échange. Un sondage a d’ailleurs montré que moins d'un tiers de la population y était favorable. Et l'opposition n'est pas que dans la rue. A son retour au Japon, le premier ministre a du répondre aux questions des parlementaires de son propre camp dans une séance parlementaire qui a pris les allures d'un procès. On lui reproche notamment de tenir un double langage, l'un au sommet de l'Apec où il aurait promis au président américain que l'ensemble de l'économie, service y compris, sera inclus dans le processus de libéralisation, et l'autre dans son pays où il conditionne l'entrée du Japon dans le TPP "si cela ne va pas à l'encontre de l'intérêt national". Une communication qui semble n'avoir pas porté ses fruits et Noda se voit aujourd'hui affublé d'un nouveau surnom un brin moqueur, "M. Double-langue" (nimaijita)
Une alternance politique ?
Cette décision impopulaire risque de brouiller un peu plus les cartes du jeu politique au Japon. Certains ont voulu voir dans la victoire du PDJ en 2009, une alternance politique digne de la victoire de la gauche en 1981 en France. Or, si le PDJ était bien doté d’un programme social-démocrate centré sur la relance de la consommation et l’aide aux plus démunis, c'était oublier un peu vite qu’une large partie des parlementaires du PDJ sont des transfuges issus du Parti de droite, le Parti libéral-démocrate (PLD). Et que pour beaucoup, leur présence au sein de cette formation dîte « de centre-gauche » s’expliquait par simple opportunisme politique.
De fait, la plupart des mesures sociales du PDJ n’ont pas été mises en place et ne verront certainement jamais le jour – gratuité des autoroutes, déplacement d’une base militaire américaine de l’île d’Okinawa, création d’allocations familiales, droit de vote pour les étrangers, etc… Une fois HATOYAMA Yukio évincé, KAN Naoto puis aujourd’hui NODA Yoshihiko se sont employés à mettre en place une politique conforme à l’idéologie néo-libérale : participation à un traité de libre-échange aujourd’hui, en attendant la politique de régression sociale promise par Noda : doublement de la taxe sur la consommation prévu pour mars 2012, mais aussi rigueur budgétaire. Face à un tel volte-face du parti de « centre-gauche », les citoyens Japonais risquent d’être quelque perdus.