Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 00:00

stop-illegal-aliens.jpg

 

"Défendre et Protéger nos côtes. Collaborez à l'arrestation des illégaux et clandestins étrangers"

 

Est-ce une affiche du Front national local au Japon? Ou de certains nostalgiques du Grand Japon arborant drapeau impérial et petite moustache? Que nenni ! Cette affiche a été produite par la Police de la préfecture d'Ibaraki, qui abrite également le plus grand centre de rétention de l'Archipel. Et comme il se doit, les braves citoyens sont donc invités à pratiquer la délation, via un numéro de téléphone, pour repousser hors du Japon ces "dangereux" clandestins. Au cas où les sept policiers anti-émeutes armés ne seraient pas suffisant pour arrêter l'homme à la casquette...

 

Mathieu Gaulène

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 00:00

honeybeesign1.jpg

Entrée du bar "Honeybee" à Akita en 2003

(cf. http://www.debito.org/roguesgallery.html)

 

 

C’était il y a un siècle et demi, en 1854. Les « Bateaux noirs » du Commandant Perry forçaient l’ouverture du Japon et mettaient fin à une période de deux siècles de fermeture, ce qu’on appelle au Japon, le « pays fermé » (sakoku). Depuis, par un jeu de va et vient entre un nationalisme insulaire et une histoire des flux migratoires qui reste encore à écrire, le Japon est un pays qui continue à se vivre en partie comme un « pays fermé ».

 

Pourtant, non seulement l’immigration existe au Japon, mais elle deviendra dans les années qui viennent un enjeu majeur en raison du vieillissement de la population. Pour l'heure, le nombre d’étrangers résidant au Japon reste relativement faible. On compte en effet deux millions d'étrangers dans les années 2000[1]. Les élites politiques japonaises sont en effet encore réticentes à l’ouverture à l’immigration. Un ancien haut-fonctionnaire du ministère des finances, aujourd’hui président d’une fondation influente, nous expliquait que le Japon ne pouvait s’ouvrir à l’immigration sous peine « d’avoir des émeutes raciales comme celle de 2005 en France ». Le cas des aides-soignantes Philippines est emblématique de ce refus d’une immigration durable : autorisées à venir travailler trois ans au Japon, elles doivent à l’issue de leur travail réussir le concours des infirmières. A cause d’une charge de travail très importante et de difficultés à maîtriser la langue japonaise en peu de temps, elles sont cependant qu’une poignée à réussir le concours chaque année. De fait, cela est souvent décrit comme une barrière à l’installation sur le long terme de travailleurs immigrés.

 

Clandestins au Japon

 

Certains étrangers restent donc illégalement au Japon une fois leur visa périmé. Désignés sous le terme de « résidents illégaux » (fuhô taizaisha) leur nombre est passé de 219 000 en 2004 à seulement 113 000 en 2009[2]. Ce déclin s’explique principalement par une politique de contrôle des flux migratoires très stricte, organisée sous la houlette du ministère de la Justice. Car si le Japon a une immigration plus faible qu’en France, sa politique est cependant plus ferme.

 

Du caractère « illégal » de certains immigrés découle l’existence au Japon des centres de rétention. En 2010, un incident dans le centre de rétention « Higashi-Nihon » de la préfecture d’Ibaraki a mis en lumière l’existence de ces prisons pour immigrés. Higashi-Nihon est le plus grand centre de rétention de l’Archipel – qui en compte 19 – et peut contenir jusqu’à 700 personnes. En mars 2010, suite au suicide d’un migrant - le deuxième en trois mois - les détenus déclenchèrent un vaste mouvement de grève de la faim[3]. Les migrants dénonçaient leurs conditions de détention, le manque de soins et de nourriture, les tarifs du téléphone pour pouvoir appeler un avocat et surtout la durée de détention qui peut atteindre plusieurs mois. Cette révolte en rappelle une autre, celle de l’incendie du centre de rétention de Vincennes en 2008[4]. Le traitement des "clandestins" reste une zone d’ombre de la société japonaise.

 

Banalisation du rapport entre immigration et criminalité

 

Par ailleurs, l’expression « délinquants étrangers » (gaijin hannin) qui établi un lien entre l’augmentation de la délinquance et la présence d’immigrés s’est progressivement imposée dans l’espace public[5]. L'argument selon lequel si le Japon s'ouvrait à l'immigration, il y aurait des émeutes comme en France (ou en Grande Bretagne) est couramment admis et diffusé dans les médias[6]. Cette stigmatisation des étrangers est en partie orchestrée par l’Agence de police nationale elle-même. Cette dernière a notamment lancé en 2004 une vaste campagne d'affichage nationale de la police contre les "criminels étrangers" et un site Internet permettant de "signaler" au bureau de contrôle de l'immigration des personnes sans papiers.

 

81f99b01.jpg

Brassard du "Mouvement pour l'expulsion des criminels étrangers"

 

Les groupuscules d'extrême-droite japonais ont depuis fait de cette expression avalisée par l'Etat leur fond de commerce. C'est le cas par exemple du "Mouvement pour l'expulsion des criminels étrangers" (gaikokujin hanzai tsuihô undô)  qui peut se targuer d'être une NPO, ce qui signifie qu'elle est une association reconnue par l'Etat et considérée comme d'utilité publique. Une petite visite sur le site de l'organisation en question permet de comprendre rapidemment que "criminels étrangers" dans l'esprit de ces militants désigne l'ensemble des gaijin résidant au Japon. Un "reportage" de septembre 2011 invite par exemple le lecteur à découvrir le "spectacle atroce" de la ville d'Ôizumi de la préfecture de Gunma. Cette ville est composée à environ 10% d'immigrés Brésiliens, ce qui suscite l'effroi du narrateur : "A mesure que je m'approche de Ôizumi, la présence de Brésiliens dans le train se fait de plus en plus sentir, et à l'arrivée au terminus, ils forment une grande partie des passagers. [...] A peine sorti de la gare que déjà se dressent devant moi des magasins brésiliens! [...] Dans un restaurant, des hommes et des femmes se gavent de nourriture brésilienne [...] Devant un kombini (supérette ouverte 24/24), des jeunes sont attroupés. Ce sont tous des Brésiliens! On peut entrevoir ce que sera le futur de cette ville..." Ce mouvement d'illuminés racistes ne contribura sans doute pas à écrire le futur de l'archipel japonais. Mais la question demeure de savoir pendant combien de temps encore le Japon continuera à s'ériger comme une île-forteresse.

 

Philippe Tanaka

 


[1] Shipper, Apichai W. « Foreigners and Civil Society in Japan », Pacific Affairs, vol. 79, n°2, été 2006, p. 271.

[2]法務省入国管理局「本邦における不法残留者数について」平成21年1月1日現在。(http://www.moj.go.jp/nyuukokukanri/kouhou/press_090217-2.html ; Un pic de 293 000 résidents illégaux a été atteint en 1993.

[3] Minoru Matsutani, « Hunger strike at immigration center », Japan Times, May 13, 2010.

[4] L.D., « Un centre de rétention détruit par les flammes », Le Figaro, 23 juin 2008.

[5] Un magazine et manga à succès porte d’ailleurs le nom de « criminels étrangers » (gaijin hanzai)

[6] La comparaison avec les cas de pays étrangers est un constante au Japon. C’est ce que note également Éric Seizelet dans un article sur la criminalisation de l’étranger au Japon : « la thèse du conflit culturel est souvent invoquée de façon incantatoire dans les médias et la police, à partir des exemples tirés de la France et de l’Allemagne, mais sans être véritablement explicitée par des analyses sociologiques, et toujours dans le but de légitimer une exigence accrue de contrôle et d’éradication. » in Éric Seizelet, Laurence Husson, Yves Charbit, « La criminalisation de l'étranger au Japon. Le nouveau visage de la discrimination à l'ère de l'internationalisation », Revue européenne de migrations internationales, vol. 16 (1), 2000, p. 78

Partager cet article
Repost0
11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 14:49

Il est pour l'heure très difficile de connaître la situation des travailleurs de la centrale de Fukushima, alors que des informations contradictoires sont données. On sait qu'au moins trois personnes sont mortes sur le site, mais la cause de leur mort reste incertaine. Concernant les blessés, Tepco annoncait hier que deux ouvriers avaient reçu des doses de 643 et 678 millisieverts, soit le triple de la norme autorisée fixée à 250 millisieverts par an. On apprenait par ailleurs fin mai que 5000 travailleurs du nucléaire venant d'autres centrales et ayant voyagé dans la préfecture de Fukushima, avaient subi des contaminations interne s. Les compagnies d'électricité ont utilisé un whole-body counter pour mesurer la contamination interne de leurs employés (cf. image). De quoi soulever des inquiétudes sur la santé des habitants de la région.

 

wholebody.jpg

 

Par ailleurs, le spectre d'un karôshi ("morts par surtravail") de masse menace le Japon. Dix personnes sont mortes au travail depuis le 11 mars. Des morts par crise cardiaque à cause d'heures supplémentaires trop importantes et/ou de stress.

 

D’après le Conseil national de défense des victimes de karôshi, une association d'avocats, deux de ces employés seraient morts à cause des nombreuses heures supplémentaires qu’ils devaient faire suite au séisme. « Alors que cela fait trois mois que le séisme a eu lieu, le nombre de morts pourrait augmenter rapidement au moment où de plus en plus de gens atteignent leurs limites physiques et émotionnelles » expliquait hier KAWAHITO Hiroshi, responsable de cette association, au journal Mainichi. Ce nombre assez élevé par rapport à la normale donne une idée de l'effort supplémentaire demandé aux travailleurs japonais et du contournement de droit du travail dans un contexte de crise.

 

 

Partager cet article
Repost0

A Propos

  • : Le Japon à l'envers
  • : Le Japon est aujourd'hui très connu en France, à travers sa culture populaire - manga, animé - et sa cuisine. Mais que sait-on au juste de cette "face cachée de la lune", située quelque part entre l'extrême-orient et l'extrême-occident ? Au-delà des clichés, ce blog apporte un éclairage sur quelques aspects méconnus de la société, de la vie politique et de la culture populaire dans l'archipel.
  • Contact

Recherche

Archives

Pages

Catégories