"Tu n'as encore rien vu, tu dois aller à Fukushima !" Affiche JR, novembre 2011
Dans la série, la catastrophe nucléaire de niveau 7 de Fukushima n'existe pas, aujourd'hui "Je vais faire du tourisme à Fukushima!". Depuis quelques semaines en effet, les stations de trains de la région de Tôkyô ont été recouvertes de posters faisant la promotion du tourisme dans le Tôhoku, région du nord-est du Japon, ravagée par le tsunami et la catastrophe nucléaire. Avec des slogans accrocheurs "J'y vais dans le Tôhoku!" (ikuze tôhoku), "C'est maintenant ou jamais d'y aller" (ima ikanakute, itsu ikunda), un graphisme années 70, et des prix cassés pour les week-end de décembre, la compagnie de train privée Japan Railway (JR) invite ses usagers à aller visiter et découvrir les curiosités locales des préfectures de Miyagi, Iwate ou encore Fukushima.
Ce qui est intéressant dans cette campagne est le non-dit. Officiellement, il ne s'agit que de fêter le premier anniversaire de la ligne Shinkansen reliant Tôkyô à Aomori. Il est évident cependant que cette campagne de promotion répond à une chute des ventes de billets pour cette région. Rappellons qu'à la différence du tremblement de terre de Kobe en 1995, le nombre de volontaires qui sont allés apporter leur aide dans les régions sinistrées est relativement faible. Ainsi alors que le mot de Tôhoku évoque la catastophe du 11 mars, celle-ci est quasiment absente de l'argumentaire de la campagne, et pour cause. Est-il réellement responsable de faire la promotion du tourisme dans la préfecture de Fukushima, pour prendre l'exemple le plus dramatique, alors que l'état de santé de nombreuses personnes semble se dégrader, et que les appels pour l'évacuation des habitants se multiplient? Imaginons que l'URSS lance une campagne de promotion du tourisme à Tchernobyl, que n'aurait-on dit?"
C'est le moment ou jamais d'y aller" Affiche de JR, novembre 2011
Car si les promoteurs du nucléaire au Japon se sont tus - une publicité vantant la sécurité des centrales ferait sans doute un mauvais effet - la voix du déni et de l'oubli n'a jamais été aussi forte. Dans le cortège d'indécence, avec les diverses campagnes faisant la promotion des produits agricoles de Fukushima, cette campagne trouve sûrement sa place. Le seul message cohérent servi à la population, pourtant à la recherche d'informations et de conseils, reste aujourd'hui celui d'une promotion aveugle d'une région sinistrée, "par solidarité". Certes, le sujet de la catastrophe nucléaire n'est pas absent des médias. Mais il est aujourd'hui ravalé au rang de simple fait divers. Un sujet dont on a honte et qui semble être devenu quelque peu tabou dans le quotidien de beaucoup de Japonais.
Publicité télévisée de la campagne de JR
Philippe Tanaka